Etoffes imprimées

Prohibition de 1686 à 1759

 
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Prohibition des toiles peintes en France du 26 octobre 1686 au 7 septembre 1759

Les toiles peintes ou imprimées, communément appelées indiennes, importées par la Compagnie française des Indes aux XVIIe et XVIIIe siècles furent l’objet d’une très grande fascination en France.

La première compagnie des Indes orientales fût crée en 1664 à l’initiative de Colbert suivant l’exemple des compagnies anglaise et hollandaise. De Pondichéry et Calcutta, 8 à 10 vaisseaux chargés de tissus arrivent annuellement à Lorient.

Déjà dans les années 1640, des marchands arméniens avaient introduit à Marseille les techniques indiennes. Ce fut le point de départ de l’impression européenne.

Ces toiles de coton importées ou imitées firent concurrence aux textiles traditionnels (laine, lin, chanvre et soie) sur le marché européen. Elles sont légères, colorées, résistante au lavage, d’un moindre coût et sont utilisées pour confectionner tentures, garnitures de lits et de fauteuils, robes et jupes, brassières d’enfant, vêtements d’intérieur etc.

Inquiets de l'engouement pour ces toiles les manufactures de soierie et de draps de laine, en particulier celles de Lyon, obtiennent du Conseil d'Etat, le 26 octobre 1686, un arrêt annonçant l'interdiction de la fabrication, du commerce et du port de ces étoffes dans le royaume, tout en laissant la possibilité d'importer et de vendre des étoffes blanches sous réserve de droits à payer.

Extrait des registres du Conseil d’Etat (1687) à propos de l’arrêt du 26 octobre 1686 : "Sa Majefté a ordonné qu’à commencer du jour de la publication , toutes les Fabriques établies dans le Royaume pour peindre des Toiles de Coton blanches cefferont , & les moules fervant à l’impreffion d’icelles feront rompus & brifez fous les peines y portées ; & qu’à l’égard des Toiles peintes & defdites Etoffes de Soye, à fleurs d’or & d’agent, & Ecorce d’arbres, Sa Majefté a accordé aux Marchands jufques au dernier Décembre de la préfente année pour les vendre, avec défenfes à toutes perfonnes de les expofer, ni vendre après ledit tems, & aux particuliers d’en acheter."
(Histoire générale et particulière des finances par Joseph du Fresne de Francheville – 1738)

Cette prohibition marque un coup d'arrêt dans le développement de cette industrie. Etoffes assez bon marché, elles habillent souvent le peuple qui est la première victime de ces dispositions : saisies des vêtements et amendes, confiscation chez les marchands, destruction des moules et des teintures...

Dès les premières années de prohibition, la Compagnie des Indes Orientales qui importe de ses comptoirs coton et soies, obtient dès 1687 de faire peindre des toiles blanches encore en stock en France et en 1702 de débiter des pièces marquées qu'ils possèdent encore. Les toiles sont, normalement, destinées à l'exportation vers l'Europe du Nord et les comptoirs africains où elles servent de monnaie d'échange pour la traite des Noirs (800 pièces de toiles peintes contre 300 esclaves de 15 à 30 ans). Elles sont alors marquées d'un parchemin signé par un employé et d'un sceau en plomb de la Compagnie. Fraude et contrebande sont considérables : copies ou récupérations des sceaux et des parchemins, débarquement avant l'arrivée au port ou dans le paquetage des marins... A Lorient, on tient même boutique ouverte.

Pendant les 73 ans de prohibition, pas moins de 80 arrêts et 2 édits royaux tentent de réfréner l'invasion de l'indienne sur le territoire et dans les colonies où les interdictions sont encore plus difficiles à faire respecter. Cette situation découle d'une part de la résistance des modes et du goût du public et d'autre part du manque de moyens de répression et d'application des textes. De plus, le Duc de Bourbon entretient derrière les murs du château de Chantilly un atelier pour sa consommation personnelle ; la Duchesse du Maine puis Madame Du Barry patronnent l'atelier de l'Arsenal à Paris. 

Si le commerce est le plus aisé à réprimer, la fabrication s'est réfugiée dans des villes au statut juridique particulier telles que Marseille (port franc) ou Mulhouse, cité indépendante, qui pratique l’indiennage depuis 1746 (Jean-Henri Dollfus, Jean-Jacques Schmalzer et Samuel Koechlin y créent un atelier de fabrication de "toiles indiennes").

La prohibition systématiquement enfreinte rend le produit encore plus séduisant. Malgré les condamnations, ces étoffes continueront d’être portées et de circuler et surtout feront l’objet d’une vaste contrebande dans l’ensemble du royaume jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. "Il semble que cette mode des toiles peintes est encore excitée, irritée, avivée par la sévérité de ses arrêts prohibitifs, par les lois de protection en faveur des manufactures de laine et de soie, par la rigueur des ordres donnés aux commis et gardes de barrière d'arracher ces toiles sur le dos des femmes, par les amendes atteignant les comédiennes qui en portent sur le théâtre ; et c'est un goût général, protégé par la cour, autorisé par l'exemple de Mme de Pompadour, qui n'aura pas dans son château de Bellevue un seul meuble qui ne soit de contrebande."
(Correspondance de Grimm, vol.XVI).

Peu à peu, l'autorité baisse les bras sous les assauts de la mode mais aussi des rapports et études qui se multiplient, dénonçant les méfaits économiques de la prohibition. A partir de 1740, une libéralisation s'amorce : autorisation d'impression sur lainage et impression à la réserve (à Paris en 1752). Des filatures de coton cultivé aux colonies apparaissent, évitant l'importation coûteuse de cotonnades orientales. Des fabriques d'impression voient le jour près de deux ans avant la levée officielle promulguée par 2 arrêts. Celui du 21 janvier 1759 supprime l'interdiction d'imprimer sur soie. Celui du 5 septembre de la même année rétablit le port, l'usage, le commerce et la fabrication des indiennes tout en instituant une taxe reversée aux manufactures de drap et de soie. Celle-ci est allégée dès le 28 octobre et n'impose plus que les toiles importées de l'étranger. Seul un contrôle de qualité, édicté le 3 juillet 1760 demeure la dernière limitation de l'impression sur étoffes. Les toiles imprimées doivent être marquées en tête et queue de pièce avec date, lieu et atelier de fabrication et précision de la qualité de teinture : "Grand teint" ou "Petit teint".

L'impression sur étoffe prend son essort jusqu'à la crise économique de 1788, le refroidissement des relations extérieures et les prémices de la Révolution. D'importantes manufactures naissent alors : Langevin à Nantes en 1760, Oberkampf à Jouy-en-Josas en 1760 et en 1785, les environs de Rouen accueillent 38 manufactures. Mulhouse et Marseille voient le nombre de leurs ateliers s'accroitre. En 1785 Mulhouse compte 21 fabriques (64% de la production française est produite dans le région) et Marseille fait travailler plus de 600 ouvriers dans cette industrie.

Au XVIIIe siècle, le dessinateur est le personnage clé de l'impression textile. Les manufacturiers font appel à des artistes, peintres de fleur surtout, choisis pour leur talent à créer des harmonies décoratives, qui adaptent leur art aux exigences industrielles.

Sources : Le Musée de l'Impression sur Etoffes (notamment)